Être avocat c’est combattre aux côtés de ses clients. Ce combat est parfois âpre, violent, injuste mais nécessaire.
Lorsque je rencontre Freddy, c’est d’abord sa carrure qui me frappe. Un bloc de muscles, aux poings d’acier, se tient dans l’embrasure de la porte de mon cabinet. Son visage ne m’est pas complètement inconnu. En effet, Freddy est un jeune espoir de la boxe professionnelle dont les prouesses sportives font du bruit.
Mais sa démarche claudiquante m’indique qu’il n’est plus vraiment en état de se battre. Il me raconte alors ses derniers mois éprouvants. Dans un récit assez désordonné, tout s’entremêle ; le monde de la boxe pro avec ses bookmakers, ses paris louches, ses exploits, les mauvaises fréquentations, les rancoeurs de certains poulains de l’écurie de son promoteur…Je comprends que tout le monde n’a pas vu son succès d’un très bon oeil.
Au point qu’un soir en rentrant d’un entraînement, Freddy est pris à partie par des hommes armés de barres de fer. Ses capacités sportives ne peuvent pas grand chose face au nombre et à la détermination de ses assaillants et il plie sous les coups. Il ne doit son salut qu’au passage d’un équipage de la BAC qui met en fuite les agresseurs sans toutefois parvenir à les interpeller.
Mais si Freddy en réchappe, il est gravement touché aux jambes. La violence des coups a eu raison de ses genoux et les spécialistes consultés sont tous formels : il pourra remarcher mais plus jamais boxer à haut niveau. Le voilà jeune espoir de la boxe mais sur le carreau. Au chômage technique, il ronge son frein partagé entre des vagues de tristesse insurmontables et une colère terrible.
Lui qui commençait à bien gagner sa vie avec le sport se retrouve sans revenus et sans perspectives.
Commence alors un autre combat pour notre champion. Celui de la réparation de ses préjudices par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions.
Comme dans la boxe, il y a plusieurs rounds et tant que la cloche n’a pas sonné, il faut continuer à se battre.
Je dois ici le dire : c’est un combat terrible car il faut tout prouver, tout étayer, même les évidences. Et croyez-moi le fond de garanti n’est pas là pour faire des cadeaux. Je ne crains pas de le dire. Dans ces cas-là, le rôle d’un avocat est celui d’un militant. C’est une guérilla. Il ne faut rien laisser passer. Rendre coup pour coup.
A ce jeu du pot de terre contre le pot de fer, Freddy avait besoin d’aide. On ne peut pas être un grand combattant sur tous les fronts. Il était désarmé, impuissant et au bord de la rupture.
C’est là que l’avocat doit descendre dans l’arène : Il faut tout compiler ; les expertises médicales, les justificatifs, tout les éléments qui font que l’indemnisation est légitime et intégrale. C’est une tâche technique et une épreuve d’endurance. Patience, pugnacité, stratégie, inventivité…telles doivent être les qualités d’un bon avocat en droit du dommage corporel pour apporter une véritable valeur ajoutée.
Comme dans un combat, dans un dossier d’indemnisation, le mental est essentiel si au dernier round, on veut gagner.
6 ans après, Freddy a touché des sommes qu’il n’aurait jamais pensé obtenir. Des sommes venant réparer ses nombreux préjudices à vie.
Tout au long de ce combat Freddy ne cessait de me dire : “En fait, vous aussi vous êtes un boxeur Maître, vous ne devez rien lâcher”. La remarque m’a ému. Mais j’avoue qu’il est vrai que dans son métier, un avocat enfile souvent les gants. Et quand il faut se battre, les miens ne sont pas de velours.