Il faut croire que les gens ont confiance dans la justice de leurs pays…

Il n’est pas un client qui ne m’ait dit : « Mais Maître, le juge va comprendre ma situation ? Il ne peut qu’abonder dans mon sens ! »

Naïve confiance aussi aveugle que bien souvent déçue…

L’institution judiciaire n’est jamais qu’un service public comme un autre, voire pire qu’un autre !

Car c’est avant tout un service administratif au fonctionnement long, complexe et submergé par les demandes.

Les juges font leur métier par vocation à n’en pas douter mais ils ne peuvent le faire qu’avec les moyens qu’on leur donne…C’est à dire pas grand chose.. Ce qui explique d’ailleurs notre triste classement parmi les derniers pays d’Europe en matière de justice.

Et pourtant, lorsqu’on est confronté à la justice, c’est l’événement d’une vie. On joue

parfois très gros et on pense par projection que les juges vont consacrer à notre affaire tout le temps qu’elle nécessite.

Malheureusement, le juge n’a que quelques minutes à vous consacrer. Il faut faire vite, parfois au mépris du bon sens et de la plus élémentaire humanité…

Je dois le dire, et je ne suis pas le seul, j’ai régulièrement honte pour mes clients de la justice de mon pays.

Je suis l’avocat d’Olga, une danseuse russe au parcours touchant. Talentueuse étoile du Bolchoï, elle avait dû arrêter son ascension du fait d’un accident de la route qui lui avait laissé de réelles séquelles physiques. Débarquée en France et reconvertie en danseuse de cabaret, elle avait retrouvé sa joie de vivre auprès d’Alain, un dentiste parisien à qui tout réussissait.

Mais lorsque les sentiments se sont dégradés, Alain s’est révélé très dur et particulièrement procédurier.

Olga a commencé à vivre un enfer dans lequel les humiliations étaient monnaie courante. Je l’ai accompagné durant 5 années dans un dossier complexe et semé d’embûches.

Outre les montagnes de pièces et de justificatifs que nous avons dû produire, nous avons dû aussi nous adapter à chaque fois à une partie adverse extrêmement changeante et agressive.

Et le jour tant attendu du procès, Olga n’a même pas pu s’exprimer. On ne lui a pas laissé une seconde pour mettre ses propres mots sur le calvaire qu’elle endurait depuis des années.

A ses questions j’avais bien vu que juge n’avait pas lu le dossier, que j’avais pourtant bien préparé. Tout s’est joué à la hâte. 5 ans tranchés en 5 minutes…

La justice est une broyeuse désincarnée qui donne tout son sens à l’adage « Un

mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès ». Tous les mouvements législatifs actuels vont d’ailleurs dans le sens d’une déjudiciarisation des procédures, notamment avec le divorce par consentement mutuel sans juge ou tous les nouveaux modes alternatifs de

règlement des différends où les parties sont au centre de l’accord qu’elles doivent construire avec l’aide de leurs avocats.

La justice quant à elle, n’a pas fini de parler son propre langage ; hermétique, lent et tellement injuste.

 

Philippe Assor